Le combat d'hiver
Jean-Claude MOURLEVAT (Gallimard jeunesse, 15€)
Helen, Milena, Bartholoméo et Milos vivent dans un internat, en fait une prison, où ils ont été placés après l’assassinat de leurs parents par la Phalange, le système de dictature qui gouverne le pays. Les adolescents ignorent pourquoi ils sont là, ils n’ont aucun souvenir de leurs parents. Mais après toutes ces années, une lettre parvient à Bartholoméo, une lettre de son père, et ils comprennent ce qui s’est passé. Ils décident de fuir en profitant d’une visite à leur « consoleuse », seul être à leur apporter tendresse et réconfort. Aussitôt, les hommes-chiens sont lancés à leur poursuite, heureusement ils rencontrent des résistants à la Phalange qui les aident à se cacher. Leur fuite correspond à un réveil de la population. Milena est amenée à participer activement au soulèvement du peuple grâce à sa voix capable de soulever les foules.
Les adolescents seront pris par le récit, les héros sont attachants, on a vraiment envie qu’ils s’en sortent et triomphent de la Phalange. Un récit bien mené .
Be safe
Xavier-Laurent PETIT (Ecole des loisirs, 10,50€)
Jérémy et Oskar, deux frères qui ne pensent qu’à la musique. Après une répétition, assoiffés, ils se retrouvent sur le parking d’un supermarché. Et c’est l’engrenage : Jérémy, l’aîné « croise » un sergent recruteur qui lui promet du travail, un métier : Jérémy construira des ponts. Et Jérémy signe et part pour l’armée. Oskar se retrouve seul. Seul, pas vraiment, car il y a Marka, la soeur de Jeff, qui lui aussi a signé. Marka, la perfectionniste dont Oskar est fou amoureux. Elle va remplacer Jeff à la guitare, et la vie continue, ponctuée par les lettres de Jérémy et ses permissions. Et là aussi c’est l’engrenage, il y a l’entraînement, il est heureux, il veut être le meilleur pour choisir son affectation. Il devient le meilleur, tireur d’élite. Et il part, là-bas où la guerre fait rage. Et il y a ses lettres pour la famille, lettres qui dédramatisent, mais il y a aussi ses mails à Oskar, où il dit l’horreur. Et il y a Jeff qui revient, blessé, amputé. Et il y a Léon qui a déserté. Et la vie continue. Ce qui a changé : ce sont les chansons de Marka et Oskar, chansons nourries de ce qu’ils ressentent, de ce qu’ils vivent à travers les témoignages de Jérémy et de Jeff. Be safe, n’est pas un roman sur la guerre d’Irak, mais sur les hommes que l’on envoie faire la « GUERRE » celle d’Irak ou celle du Viêt-Nam, ou celle d’Algérie chez nous. Sans scène d’horreur, Xavier-Laurent Petit réussit un superbe roman qui fait ressentir ce que vivent ceux qui sont impliqués dans ces conflits et comment ils sont amenés à prendre certaines décisions.
Aerkaos 1, les frères de la ville morte
Jean-Michel PAYET (Ed. du Panama, 16€)
Ferdinand vient de perdre son vieil oncle, relieur de son métier. Il trouve un vieux livre qui l’intrigue, il commence à le lire, et chose étrange, l’histoire s’écrit au fur et à mesure de sa lecture. C’est ainsi qu’il découvre l’histoire d’Oonaa, une jeune vestale qui vit dans la citadelle de Maahsandor, où, jour après jour elle apprend la Parole, texte fondateur de l’ordre Sunique, tout autre livre étant interdit. Mais un jour, voulant récupérer une écharpe, elle quitte la citadelle, et, malgré elle, assiste à la réunion d’un groupe remettant en question les fondements de cette société autoritaire .La preuve de l’imposture du dirigeant se trouverait dans un livre que, bien malgré elle, Oonaa se voit confier. Elle choisit de le cacher et se trouve ainsi emportée dans une aventure mettant en péril sa vie. Cette histoire c’est celle que découvre Ferdinand… et si lui aussi se trouvait emporté dans cette aventure ? Un récit captivant qui se lit avec plaisir, le lecteur s’attache vraiment aux personnages.
Bière grenadine
Hélène VIGNAL (Ed. du Rouergue, 7,50€)
Claire et Yvan ont grandi ensemble jusqu'à 12 ans. Une sombre histoire d'amour et/ou de fesses entre leurs parents a brisé cette amitié. Aujourd'hui, Yvan, 18 ans, est mort, Claire assiste à son enterrement. Elle est brisée par ce deuil. Comment se reconstruire à 17 ans quand son premier amour/ami vient de mourir et qu'on a l'impression de l'avoir abandonné pendant six ans. Un merveilleux livre sur le deuil, le chagrin, la mort, les dommages collatéraux du divorce. Des mots justes, un livre sensible qui console…
Taille 42
Malika FERDJOUKH (Ecole des loisirs, 9,80€)
Malika Ferdjoukh prête sa plume à un témoignage : Charles Pollack, tailleur juif, raconte sa vie quotidienne en 1943. D'abord à Paris, la famille part se mettre à l'abri des rafles dans le nord de la France.Raconté très simplement, avec beaucoup d'humilité, Charles Pollack témoigne : la trouille, la perte de son identité, l'antisémitisme, la faim, l'entraide. Un très beau récit qui donne envie de poser des questions, d'en savoir plus encore et qui permet de prendre la mesure de ce quotidien difficile. C'est la guerre mais Charles Pollack n'en reste pas moins un bambin et son histoire garde toute la fraîcheur de l'enfance.
La main de l'aviateur
Florence AUBRY (Ed. du Rouergue, 7,50)
Gaby, en chemin pour l'Espagne, trouve un anneau d'or sur le bord de la route : "Greg and Emily for ever", c'est l'inscription qu'il porte. Ayant passé l'anneau à son doigt, Gaby constate que sa main devient douloureuse. Peut-être vaut-il mieux chercher à le rendre à Greg ou à Emily.... Et Gaby commence son enquête, s'apercevant bien vite que l'anneau porte malheur à qui le garde... La construction alternée du récit nous permet de suivre les différents possesseurs de l'anneau sans perdre de vue Gaby, adolescente qui se sent mal-aimée et qui investit ce petit objet. Une ambiance de polar, un roman très prenant où le lecteur se fait mener par le petit bout du nez et frissonne !
Tout doit disparaître
Mikael OLLIVIER (Ed. T. Magnier, 8€)
Professeurs de collège dans le Nord de la France, les parents de Hugo ont obtenu une affectation de quatre ans à Mayotte. À peine sorti de l’école primaire, le garçon appréhende cette vie nouvelle à « l’autre bout du monde ». Et le choc est rude en effet : la chaleur, l’humidité, le spectacle de la misère et de la saleté, la différence des mœurs, la suffisance des Métropolitains, mais aussi les plaisirs de la plongée sous-marine… Hugo réussit progressivement à s’y acclimater, à défaut de réellement s’intégrer (il n’a que trop conscience de n’être que de passage). En classe de troisième, sa découverte de l’amour avec une jeune Mahoraise va précipiter la fin de son séjour à Mayotte : lorsque ses parents apprennent que la jeune fille est enceinte, ils renvoient Hugo en France chez ses grands-parents, en plein milieu de l’année scolaire. Bien que le garçon n’ait jamais vraiment apprécié la vie sur l’île, cette expérience a bouleversé sa perception du monde et des êtres ; le retour en Métropole lui est particulièrement douloureux. Désormais, la société de consommation lui est insupportable : l’affligeante frénésie des soldes, l’invasion quotidienne des publicités, la dictature des modes, le culte futile voué aux marques, l’étalage indécent du superflu… tout l’écœure et l’afflige. D’autant que c’est avec délices que les parents du garçon se vautrent dès leur retour dans ce « bonheur » retrouvé de la consommation. Un fossé s’est creusé entre Hugo et sa famille (« des petits-bourgeois minables ») ainsi que les adolescents de son âge. La correspondance que le garçon poursuit avec la documentaliste de Mayotte, les livres que celle-ci lui fait découvrir et, bientôt, ses recherches sur Internet lui permettent de mettre des mots sur ce qu’il a commencé à ressentir et à penser confusément. Un jour, il s’éprend d’une jeune « casseuse de pub » et décide de la suivre dans ses actions militantes.Une fois de plus, Mikaël Ollivier se montre un talentueux « raconteur d’histoires ». S’il a pu arriver malgré tout que certains de ses récits manquent de substance ou bien semblent inaboutis, le moins que l’on puisse dire est que ce n’est pas le cas ici : les interrogations sur le monde et le sens de la vie, l’amour, la remise en cause de soi et des sociétés occidentales, l’engagement politique et le courage de traduire en actes ses convictions… tout naïf et maladroit que puisse sembler aux yeux d’un adulte blasé l’éveil du jeune Hugo, j’avoue avoir été particulièrement touché par ce roman. Et c’est tout à l’honneur de Mikaël Ollivier d’avoir réussi à ne pas verser dans un didactisme qui aurait pu devenir vite pesant, vu les thèmes abordés. Car ce qui guide Hugo, bien au-delà des idées et des credo altermondialistes, n’est finalement rien d’autre que l’aspiration à vivre en homme libre. Une lecture roborative, à recommander aux adolescents.
Fille des crocodiles
Marie-Florence EHRET (Ed. T. Magnier, 8,50€)
Fanta, petite fille de 10-11 ans, nous raconte la vie quotidienne à Nanou (Burkina Faso), petit village isolé dans la brousse à 2heures de la ville la plus proche ; une vie rythmée par les saisons, le travail aux champs, l’école, les tâches quotidiennes des uns et des autres, surtout celles des femmes, et par les coutumes ancestrales si enracinées dans les esprits : l’excision par exemple des petites filles censée les purifier. Mais Mâ refuse que ses deux petites filles Fanta et Bintou soient excisées, malgré la pression de l’entourage. Son refus sème le désarroi dans l’esprit de Fanta. Malgré l’amour et la confiance qu’elle porte à sa grand-mère, Fanta comprend mal sa décision : pourquoi ne peut-elle pas faire comme les autres ? qui a tord, qui a raison ? Quelles sont les bonnes et les mauvaises coutumes ? Sa mère Delphine n’a-t-elle pas remis en cause ces coutumes en quittant son mari que la famille l’a contrainte à épouser pour fuir en France et travailler à Paris ? Delphine fait des ménages et s’occupe de deux enfants. Elle envoie régulièrement de l’argent à sa famille et au chef du village. Alors les habitants n’osent pas trop médire sur son compte… Elle téléphone aussi beaucoup et partage de loin les malheurs et les bonheurs de sa famille. Elle promet de revenir au village le jour où ses papiers seront en règle : emmènera-t-elle alors Fanta avec elle pour un avenir meilleur et une vie plus facile ? Son avenir sera-t-il vraiment meilleur en France que dans ce village où elle a grandi parmi sa famille et ses amis ? Fanta n’en est pas sûre…
Rouge métro
Claudine GALEA (Ed. du Rouergue, 7,50€)
Cerise prend le métro. Il est 22 heures. Elle porte sa nouvelle robe rouge. Un SDF entre dans la rame, elle l'a déjà vu ce matin mais ce soir, c'est différent, il a bu, il est au bout du rouleau et tout le monde fuit son regard. Il n'existe pour personne sauf pour Cerise qui pressent le drame.
Une allégorie très noire de notre regard sur les SDF, un texte en forme de libération mentale pour Cerise, une très belle écriture. Un coup de poing.