La douane volante
François PLACE, Gallimard, 13.50 €
François Place, illustrateur ? auteur ? Nous connaissions ses textes illustrés : Les derniers géants, La fille des batailles et L’atlas des géographes d’Orbae, et déjà nous savions qu’il était un écrivain. La douane volante, roman sans aucune illustration, nous le confirme.
Un roman foisonnant, entre fantastique et roman d’initiation, difficile de le présenter tant il est riche. L’histoire commence en Bretagne, juste avant la première guerre mondiale. Gwen, 14 ans, quitte le bateau sur lequel il était mousse, il est dans un sale état. Le vieux Braz va le tirer d’affaire et lui enseigner un peu de son art de rebouteux. Mais le vieux Braz meurt, et le village ne tolère plus Gwen le tousseux, et…
Tabassé, en piteux état, la charrette de l’Ankou l’emmène et le dépose dans un pays étrange d’où l’on ne s’échappe pas. Très vite il est pris en charge pas Jorn, personnage aux multiples facettes, dont nous découvrons, peu à peu la personnalité et l’emprise qu’il a sur Gwen. Jorn ne fait rien gratuitement, et Gwen l’apprendra à ses dépens.
Ce pays, aux sables mouvants, ce pays surveillé par la douane volante qui empêche quiconque de le quitter, emprisonne Gwen qui, pourtant, voudrait retrouver sa Bretagne natale. Gwen le tousseux, Gwen le rebouteux, « aidé » de Daer, son pibil, va vivre des aventures qu’il serait trop long de vous décrire. Sachez seulement que lorsque vous commencerez ce roman, vous ne pourrez plus le lâcher.
On sent que La douane volante est écrite par un illustrateur. Les descriptions ne nous lassent pas, on a l’impression de regarder un des dessins de François Place, qui nous dit avoir voulu franchir une porte, celle des tableaux de Van Goyen, et se mêler à ses personnages.
Annie, libraire
Petite feuille nénètse
Anne BOUIN, Ecole des loisirs, 10 €
Un nouveau professeur de littérature arrive dans un pensionnat russe. Il recommande un livre envoyé par un ami de Sibérie à trois jeunes filles de la classe .Celles-ci découvrent ainsi la vie des Nénètse, nomades de Sibérie menacés par les compagnies pétrolières. Touchées par le récit ,intriguées par la feuille séchée trouvée entre les pages, elles mènent leur enquête, sur Internet notamment. La sous-directrice découvre leur lecture qu'elle déclare subversive, confisque le livre et menace de licencier le professeur. Les adolescentes vont découvrir la réalité des minorités menacées par les convoitises des compagnies pétrolières sans scrupules, la liberté de penser et de lire, l'importance de résister, la force de la solidarité.
On a envie de savoir comment s'achève ce roman attachant qui permet, en outre, d'aller à la découverte de peuples et de territoires peu connus.
Gabrielle SERON
Le chemin de Sarasvati
Claire UBAC, Ecole des loisirs, 11 €
Isaï naît dans un monde où la naissance d'une fille est vécue comme une calamité. Elle vit avec sa mère chez la sœur de son père qui les maltraite. Le père est parti gagner de l'argent en ville. Les nouvelles se font rares. La tante, cruelle, soutient qu'il a abandonné sa famille et refait sa vie. Encouragée par l'amour de sa mère et de son grand-père, la jeune Isaï décide d’aller contre le destin misérable qu’on lui réserve. A la mort de sa mère, elle lui offre de dignes funérailles et part pour Bombay dans l’espoir de retrouver son père ; mais l’Inde se révèle bien hostile pour deux adolescents livrés à eux-mêmes. Isaï se fait passer pour un garçon pour faciliter sa fuite et conserver l'amitié de Murugan, sorte d’ange gardien auquel son destin semble lié. Pour réaliser ses rêves, Isaïe puise la force nécessaire dans la religion et les dons musicaux transmis par sa mère.
Ce roman d’aventure est à la fois dépaysant et émouvant grâce aux personnages attachants et aux multiples péripéties qui jalonnent la quête d’Isaï. Le lecteur se sent transporté en Inde grâce à la multitude de détails donnés par Claire Ubac.
Christelle Rose. BDP
Peine maximale
Anne VANTAL, Actes sud junior, 13.50 €
Ce roman nous plonge d’une façon magistrale dans les coulisses d’un procès. Qu’a commis l’accusé ? Il a perdu tout espoir quand lui est parvenue la lettre de l’ANPE lui annonçant qu’il était en fin de droits. Il est le seul soutien de la famille, alors il devient « fou » et tente un cambriolage qui se solde par un échec. Mais dans l’appartement, il y a un bébé, et il part avec l’enfant, le confiant à sa sœur qui de ce fait est accusée de complicité. Ce qui est génial dans ce roman, c'est qu’Anne Vantal fait parler chaque intervenant du procès. On entend donc successivement les voix des jurés, du président, de l’accusé, des témoins, de ses deux sœurs, des victimes. Chaque voix est différente, propre à chaque intervenant. Certains nous émeuvent, d’autres nous agacent.
Annie, libraire
Metal mélodie
Maryvonne RIPPERT, Milan, 9.50 €
Le roman commence par un prologue où Luce, l’héroïne, arrive à Grenade. Puis, l’auteur fait un retour en arrière : Luce rentre chez elle et trouve un mot lui annonçant le départ de sa mère en Australie pour raisons professionnelles. Sa mère s’est organisée pour les conditions matérielles de la vie de sa fille. A elle maintenant de se débrouiller.
Luce est d’abord désemparée, puis commence par inviter sa bande de copains gothiques. Gloomy, une espèce de SDF,qui s’installe alors chez Luce et cette dernière tombe amoureuse d’un voisin. Il s’avère vite que cette histoire d’amour n’est pas satisfaisante. Beaucoup de temps se passe avant que Luce ne reçoive de nouvelles de sa mère. Elle se pose des questions, d’autant que leurs relations étaient très conflictuelles. Sa mère ne supportait pas la transformation de sa fille, les musiques qu’elles écoutaient. Luce était de plus en plus difficile. Luce, se sentant abandonnée, va se lancer à la poursuite de sa mère qui a quiitté l’Australie. Elle va suivre sa trace à Paris, et découvrir tout un pan du passé de sa mère. Puis son enquête va la mener à Grenade, quasiment sans un sou. Il va lui falloir travailler, trouver une chambre pour pouvoir continuer à rechercher sa mère. Elle a de plus en plus peur de l’avoir perdue, car elle a vu que dans sa jeunesse elle coupait tout lien dès que cela n’allait plus.
Luce va la retrouver et enfin savoir la raison de son exil volontaire.
C’est un roman initiatique qui devient de plus en plus passionnant au fur et à mesure de la lecture, qui est intrigant et qui montre bien les changements terribles que traversent les adolescents. Il nous emmène également dans la ville de Grenade où la rencontre avec les gitans et leur musique est très importante. De belles descriptions parsèment ce récit empreint de poésie. Un vrai coup de cœur.
Anne-Marie, BDP
Le Mort du noyer
Claire MAZARD, Seuil, 11.50 €
Une maison de retraite pour gens fortunés qui accepte les « toutous » de ses pensionnaires.
Un meurtre, un homme découvert nu sous Dionysos, un noyer centenaire, classé monument historique. Un commissaire pas très en forme – sa compagne l’a quitté pour aller vivre au soleil – son adjointe, et un trio infernal : trois retraités et leurs chiens, Hercule, Colombo et Simenon. Une enquête difficile : Les différents suspects sont plutôt sympathiques, et tout se complique quand le directeur de la maison de retraite est lui-même assassiné.
Un vrai polar, des personnages attachants, amusants, et une fin surprenante. Claire Mazard nous emmène sans problème dans ce polar très bien mené.
Annie, libraire
Mademoiselle Scaramouche
Jean-Michel PAYET, Editions des Grandes Personnes, 15 €
Nous sommes au XVIIème siècle, Louis XIV est en train de faire construire Versailles. Zinia Rousselières, l’héroïne, assiste à la mort de son père, maître d’armes, lors d’un duel au début du roman. Sa vie va désormais basculer : alors qu’elle a tué, pour le venger, son adversaire, le fils du marquis de Villarmesseaux, au moment de mourir son père va lui livrer un étrange mot qu’elle ne connaît pas « Scaramouche », et au moment de l’enterrement, elle découvre dans la tombe un curieux petit cercueil portant son propre nom. Il ne lui reste plus qu’à commencer de mystérieuses recherches pour découvrir sa véritable identité. Le puzzle va progressivement se reconstituer et la mènera auprès du roi jusqu’à Versailles. Elle aura d’abord découvert dans une gravure appartenant à son père représentant Scaramouche une lettre mentionnant un certain Philippe de Mandeterre ; elle va alors essayer d’aller le rencontrer et va tomber sur une troupe de comédiens – « La troupe du soleil de France » - qu’elle ne va plus quitter en se faisant appeler Scaramouche ; les découvertes et les péripéties ne vont plus cesser de s’enchaîner, elle rencontrera toujours sur sa route le fameux marquis de Villarmesseaux, à sa recherche, non pas parce qu’elle a tué son fils, mais parce qu’il croit qu’elle a en sa possession un document qui apporterait un étrange pouvoir. Elle va retrouver l’identité de son père, essayer de laver son honneur en tentant de rencontrer le roi et finira par décider « avec un grand cri de joie » l’identité qu’elle veut se choisir.
Monique SAGET, enseignante
Ce livre ne fait pas partie de la sélection, c'est un conseil de lecture :
Missak, l'enfant de l'affiche rouge
Didier DAENINCKX, illustré par Laurent CORVAISIER, rue du monde, 17€
Dans sa prison, derrière les barreaux, Missak se souvient : des jours heureux en Arménie, souvenirs accompagnés d’illustrations à la gouache, pleine de vie, de couleurs, de bonheur. Malheureusement, vite, le noir arrive, des illustrations fortes, quand Missak nous dit la mort de son père défendant l’Arménie, la fuite au Liban… le noir… les pensées d’un homme qui va mourir. Et toujours alternent de grandes illustrations en couleur pour les souvenirs heureux, son arrivée à Paris, alors terre d’accueil, son amour pour Mélinée, et le noir pour dire, le nazisme, la résistance, l’arrestation, la condamnation. Le livre se termine par une biographie de Missak illustré de photos et par la lettre très émouvante que Missak adresse à Mélinée avant de mourir. Un texte sobre, poignant, Didier Daeninckx sait parler aux enfants, les prendre au sérieux. Missak, l’enfant de l’affiche rouge est un grand livre comme l’était Il faut désobéir, des livres indispensables pour que l’on se souvienne.
Annie, libraire