Le temps des miracles
Anne Laure Bondoux, Bayard, 8,90 €
Blaise va peut-être enfin retrouver celle qu'il aime, celle qui l'a élevé : Gloria Bohème. Il se souvient de ce qu'elle lui racontait le soir, comment elle l'avait trouvé dans un train qui brûlait à la suite d'un attentat, et comment ils avaient du fuir le Caucase en guerre. Il nous raconte les rencontres, les amitiés, mais aussi la faim, la peur, auprès d'une Gloria toujours présente, toujours aimante pour lui éviter d'attraper « un désespoir ». Et l'espoir c'est, au bout du chemin, la France, le pays de Koumail.
Littérature pour ados, littérature pour adultes ? Ce n'est pas le dernier roman d'Anne Laure Bondoux qui nous donnera la réponse car Le temps des miracles est un roman pour tous ceux qui aiment la littérature. C'est un grand livre, un roman qui, comme Les larmes de l'assassin, vous accompagnera longtemps, que vous ne pourrez oublier.
Anne laure Bondoux a été bercée par la poésie. Dans une rencontre avec ses lecteurs, elle expliquait que Les larmes de l'assassin lui avaient été inspirées par un poème de Prévert que lui lisait son père. Cette fois, ce sont deux poèmes de Blaise Cendrars qui sont la source du Temps des miracles. Espérons qu'il y ait encore beaucoup de poèmes dans la mémoire d'Anne Laure Bondoux. Annie Falzini
L'âge d'ange
Anne Percin, Medium, Ecole des Loisirs, 8 €
Nous sommes dans un lycée huppé du Luxembourg. Quelques élèves de milieux défavorisés sont intégrés -en théorie- à ce lycée. La narratrice Anja parle au passé d'un garçon qu'elle a bien connu et aimé, Tadeusz. Anja est une jeune fille très masculine et très timide qui a une passion, le Grec. Cette passion lui permet d'exister car pour sa famille, elle est inexistante. Elle passe son temps à la bibliothèque à regarder un livre : Les amoureux des dieux et des héros.
Un jour, ce livre a disparu. Elle remarque en classe que Tadeusz a le livre en main. Elle l'observe discrètement et va, peu à peu, s'attacher à lui. Ils vont devenir amis. Un jour, elle le raccompagne chez lui. En route, ils sont agressés et Anja a le front fendu. Elle a été prise pour un garçon et ils ont été agressés pour le fait qu'ils étaient deux garçons ensemble. Anja demande à Tadeusz s'il l'aime. Il lui fait alors comprendre qu'il est homosexuel et qu'elle est son amie et non son amoureuse. Au fur et à mesure du roman, on va vers le drame. Tadeusz va mourir, victime de l'homophobie.
Très beau roman tout en pudeur sur le thème de l'homosexualité qui condamne l'injustice et l'homophobie. C'est en même temps un beau récit d'amitié. Anne-Marie Haloche, bibliothécaire
L'empire invisible
Jérome Noirez, Courants noirs, Gulf Stream, 12,50 €
Ce roman nous plonge dans l'horreur de l'esclavage en Caroline du sud en 1858. La riche famille Wingard possède des champs de coton dans lesquels travaillent du lever au coucher du soleil les esclaves noirs. Peu nourris, ils triment sous un soleil implacable. Les Wingard ne sont pas pire que les autres planteurs et Clara Walker supporte cette vie sans se rebeller, jusqu'au jour où de mystérieux cavaliers tuent son père. Non, elle ne suivra pas ses préceptes. Non, elle ne pardonnera pas, elle le vengera. Ces hommes elle les connaît, et c'est à Aaron, un ancien esclave, un être pour qui tuer ne pose aucun problème, qu'elle confiera cette besogne. La violence, la mort, s'installent sur la plantation. Tempête et tornade vont tout laver, les Wingard seront ruinés. Clara oubliera sa haine pour partir...vers la liberté, peut-être.
Ce roman est paru avant l'élection d'Obama, ce n'est donc pas un roman de circonstance, mais un roman fort sur l'esclavage. On s'attache aux personnages, même madame Wingard est pathétique. Un regret, son titre, sa couverture, peuvent l'assimiler à un roman fantastique. Annie Falzini
Le chagrin du roi mort
Jean-Claude Mourlevat, Gallimard, 16 €
Dans un contexte historique et géographique difficile à situer mais que l'on pourrait comparer à l'Islande, le vieux roi Holund est mort. Aleks et Brisco sont deux frères jumeaux qui vivent à Petite Terre, et qui grandissent paisiblement dans ce petit royaume. Loin de là, le neveu du roi, Guerolf, complote déjà pour prendre le pouvoir. Un jour où les deux enfants se rendent à la bibliothèque royale, Brisco se fait brutalement enlever. De nombreuses années vont s'écouler, et les deux frères grandir séparément. Leur destinée rejoindra celle de Guerolf, au cours d'une guerre fratricide et implacable.
Difficile à résumer, car je ne voudrais pas trop vous en dire, mais sachez juste que c'est absolument sublime. Jean-Claude Mourlevat m'émerveille : tant de bonté d'âme, tant de générosité à notre égard, tant d'humanité ! C'est incroyable de vérité, de justesse, et pourtant ça ne manque jamais de rythme ni de densité. L'émotion est toujours là, bien présente, elle vient nous réchauffer dans ces immenses contrées glacées. Je crois que ce qui me plaît par-dessus tout chez lui, c'est cette capacité à se renouveler pour nous délivrer des histoires d'hommes et de femmes dont l'humanité nous pousse à nous poser de vraies questions, sur notre condition et notre existence.
Alors si comme moi vous aimez le Chagrin du roi mort et la merveilleuse écriture de ce grand monsieur (qui a toujours su garder son âme d'enfant, parce qu'il comprend les enfants tellement bien), n'hésitez pas à vous rendre sur son site, et à lui écrire tout le bien que vous pensez de son travail. Un grand merci à vous, monsieur Mourlevat, de nous offrir de tels moments... Jean Pichinoty, librairie La Soupe de l'Espace
L'attrape-rêves
Xavier-Laurent Petit, Medium, L'école des loisirs, 10,50€
Une vallée boisée et isolée des Etats Unis. Au collège, il y a ceux de la haute vallée, les bouseux, les sauvages et ceux de la ville, ils ne se mélangent pas. Ceux de la vallée ont tous un père qui travaille à la scierie et dès qu'ils pourront quitter le collège, les garçons eux aussi y travailleront, quand aux filles...Seule Louise veut continuer ses études, M.Harrison, son prof de littérature lui a donné le goût des livres, de la poésie et de l'étude, mais il faudra convaincre son père.
Un nouveau venu au collège, Chem qui arrive d'on ne sait où, va cristalliser les instincts brutaux des meneurs de la communauté. Louise est partagée entre sa fidélité au groupe et son amitié, son amour pour Chem. La fermeture de la scierie va exacerber les conflits et le désarroi des habitants. Aussi quand des ingénieurs arrivent et font miroiter aux habitants, travail, argent, maisons luxueuses si ils acceptent la construction d'un barrage, seule Dolorès et Chem comprennent ce que cela représente. Mais Dolorès est malade et n'a pas la force de lutter, Chem lui fera tout pour retarder le chantier.
Xavier-Laurent Petit aborde dans ce roman les problèmes de notre monde en les faisant vivre par des adolescents auxquels les lecteurs pourront s'identifier. Annie Falzini
De chaque côté des cimes
Claire Mazard, Karactère(s), Seuil, 9 €
Au Zanskar qu'on appelle « le petit Tibet » en plein cœur de l'Himalaya vivent deux jeunes filles. Celles-ci sont très amies et sont inséparables. Le poids des traditions étant très présent, le destin de chacune est tracé : elles devront normalement être enlevées par la famille de leur mari et vivre dans cette famille.
Ces deux jeunes filles vivent leur vie, pour le moment, auprès de leur famille, une vie rythmée par les saisons. Dahoé rêve d'aller à l'école et ne souhaite pas se marier. Quant à Namkha, elle ne dit rien mais elle est secrètement amoureuse. A l'âge du mariage, Namkha quitte le village et se marie. Dahoé, quant à elle, refuse cet état de fait. Elle veut étudier et pour cela être nonne de l'autre côté des montagnes. Elle réussit très facilement à convaincre sa mère, elle reçoit l'aide de sa tante nonne, sœur de sa mère et d'un oncle moine, frère de son père. Il lui faut maintenant l'accord de son père qu'elle finit par recevoir. Et même son père va plus loin : il va accompagner le « tchadar » qu'il n'effectuait plus pour y avoir vu mourir son meilleur ami (voyage qu'effectuent les hommes sur le fleuve glacé afin de vendre leurs marchandises et d'en ramener d'autres). Il va ainsi mener sa fille de l'autre côté des montagnes.
Ce roman est passionnant pour diverses raisons : sa thématique de la condition féminine, l'amitié entre les deux jeunes filles mais aussi l'affection entre les autres personnages, les difficiles conditions de vie dans cette partie du monde, l'aventure du tchadar. De très belles descriptions parsèment ce récit. Les destins des 2 jeunes filles sont finalement très contrastés.
Un très beau récit sensible et dépaysant. On le quitte à regret. Anne-Marie Haloche, bibiothécaire
Mon amour kalachnikov
Sylvie Deshors, Rouergue doAdo noir, 12,50 €
Agathe vit à Lyon depuis deux mois elle est inscrite en fac d'histoire et est amoureuse de Gilan. Elle, la franco-chinoise, se lie d'amitié avec Lucia Paz l'équatorienne. Un soir, qui pourrait être une soirée de baby-sitting sans histoire - le bébé dort, le loft est luxueux -, elle trouve dans la chambre de l'enfant une photo des parents qui la plonge dans l'horreur. Le père, c'est lui, le taré qui l'avait prise en chasse avec sa Scénic. Et l'horreur continue quand au matin la police la réveille. L'homme a été retrouvé mort dans la cour de son immeuble. Les soupçons se portent sur Agathe, son entourage, Gilan et ses amis dealers. Agathe va devoir faire la preuve de son innocence et peut-être de celle de Gilan. Mais pourquoi maintenant qu'elle a la police sur le dos ne lui répond-il pas ? C'est là que l'amitié de Lucia Paz lui est précieuse.
Un bon polar, les personnages sont bien campés et attachants. On découvre un peu de la ville de Lyon, ses quartiers, ses habitants, ses étudiants, jeunes trafiquants, immigrants chinois et arrivistes exploitant les sans-papiers. Annie Falzini